Dominique Bied a mis en ligne une intervention tout à fait remarquable d'Isabelle Loirat, conseillère municipal CAP21-Modem à Nantes, à propos de la volonté de Jean-Marc Ayrault de construire un nouvel aéroport à Nantes. Cette intervention illustre avec force la transversalité du défi écologique et social. Elle a été faite lors d'un conseil municipal.
Nous entrons dans une époque où les pays qui ont tout et plus que tout ne peuvent vouloir encore plus au détriment des autres. Le développement soutenable nous oblige à des devoirs, ceux de vivre sobrement. Cette idée se cogne avec cette dictature de la croissance des infrastructures dans les pays de l'OCDE au profit d'une intelligence des modes de vie dans laquelle l'économie numérique et les services permettront d'optimiser et de rendre plus efficace les ouvrages existants. Notre-Dame des Landes n'échappe pas à cette règle. Dans ce défi, certes les grands monopoles du BTP sont perdants, d'autres seront gagnants. Mais dans ce défi, c'est notre qualité de vie que l'on défend, celle du plus grand nombre. Au délà de l'exemple de NDDL, c'est donc la démocratie que l'on défend. Le mode de vie urbain a du plomb dans l'aile. Il est générateur d'une consommation de ressources déraisonnable et intenable sur la durée. Il est donc impossible de concentrer encore le secteur agricole en remplaçant des terres cultivables par du béton et des avions. Le courage politique est de ne pas céder aux pressions des monopoles du BTP. Concentrons l'efficacité de cette industrie sur le ferroviaire, beaucoup plus économe.
Voici le texte d'Isabelle Loirat :
"« Monsieur le Maire, mes cher(e)s collègues, Merci de nous accorder 5 minutes pour un dossier à 3 milliards. 5 minutes pour un dossier important de transport, aménagement du territoire, de finances, d'agriculture, d'urbanisme. Cela nous laisse à peine le temps le temps de vous poser à nouveau les questions auxquelles vous n'avez jamais répondu. A commencer par :
Avons-nous vraiment besoin d'un aéroport à NDDL ? C'est pour nous la question essentielle, elle n'a jamais été posée pendant le débat public. Nous ne sommes pas « nés contre NDDL » c'est l'étude du dossier qui a forgé notre conviction que ce projet est inutile aujourd'hui et ne présente aucun intérêt, ni pour les Nantais, ni pour les habitants des Pays de la Loire et de Bretagne. C'est pourquoi nous avons demandé un moratoire, demande de moratoire confirmée par Nicolas Hulot le mois dernier. Vous dîtes que c'est un transfert.(sous entendu pas une création de plateforme) Ne pas jouer sur les mots. Pas besoin d'avoir fait Sciences Po ou l'ENA pour comprendre qu'avant l'opération NDDL, il y a 2000 ha de terres agricoles, après l'opération NDDL il y a une énorme plateforme. FINANCEMENT Quel est le coût réel, global et réactualisé de la plateforme ?
Comment croire au budget annoncé de 581 Millions HT alors que la DGAC elle-même estimait le coût total de NDDL à 4 milliards (OF 17 10 2002) et qu'ailleurs la construction d'un aéroport coûte 3 Milliards à Londres Stansted, 5 Milliards à Lisbonne? Quels seront les accès à NDDL ? Comment les financerez-vous puis que seule une desserte routière est prévue dans le financement officiel du projet ? NDDL sera-t-il un aéroport avec accès « tout automobile » à contresens de toute modernité, en contradiction avec vos discours sur l'intermodalité ? Sans desserte ferroviaire de l'aéroport, comment écouler le fret de 50 000 tonnes prévu sinon par des camions ? Combien de camions par heure ? par jour ? Vous annoncez maintenant une ligne rapide Rennes – Nantes via NDDL. Avec quel financement ? Pour le tronçon NDDL-NANTES, par où passerez-vous ? L'urbanisation actuelle du Nord de la métropole ne condamne t-elle pas déjà cette option ? On nous a dit tout à l'heure que le réaménagement de Nantes Atlantique coûterait le même prix que NDDL. C'est faux. On estime le réaménagement et l'optimisation de Nantes Atlantique avec la possibilité de réorienter la piste pour environ 130 M. ADDUCTIONS EAU ET ELECTRICITE Quels seront les coûts pour les réseaux d'adduction d'eau et d'électricité de la future plateforme ? Rien n'est précisé à ce sujet. Comment alimenterez vous la plateforme (aéroportuaire) en eau ? D'où viendra elle ? Où la puiserez vous ? Dans la Loire ? la nappe phréatique ? Où iront ensuite les eaux usées et les eaux de ruissellement ? Dans la Loire ? l'Erdre ? la Vilaine ? Quel sera l'impact de l'imperméabilisation de 2000 hectares de terres sur le réseau hydraulique ? Tous les risques d'inondations liés à la construction de la plateforme ont-ils été bien mesurés ? Nous pensons en particulier au périphérique nantais. De quoi auriez vous l'air les pieds dans l'eau le jour de l'inauguration ? Comment alimenterez-vous la plateforme en électricité ? Par un réacteur nucléaire ? Comme le laisse entendre la Directive Territoriale d'Aménagement de l'estuaire de la Loire. Nous direz-vous encore une fois que vous allez « accompagner l'Etat » dans sa démarche ? EMPLOI Vous allez non seulement détruire 1600 ha de terres mais aussi supprimer des emplois agricoles et ceux qui en sont induits. Combien d'emplois ? La laiterie de Derval vient de fermer, quelle sera la prochaine sur la liste ? Vous avez récemment annoncé la suppression de Nantes Atlantique. N'est-ce pas fragiliser ainsi le site d'AIRBUS ? La perte d'attractivité du site ne le placera t'elle pas à la merci d'une délocalisation de ses activités qui ne se fera certainement pas en zone euro mais plutôt en zone dollar ? OUI à des emplois mieux répartis sur le territoire plutôt que concentrés autour d'une méga plateforme à NDDL. OUI à des emplois dans l'artisanat local, dans la rénovation énergétique des bâtiments existants, la construction de logements, maisons de retraite, collèges, crèches, maisons de santé dans le monde rural ! OUI aux emplois dans le développement du ferroviaire, des transports en commun, et des Energies Renouvelables ! De l'aveu même de l'un de vos proches : « Dans 3 ans Rennes sera à 1 h 27 de Paris et sera plus attractive que nous pour les entreprises ». Mais à qui la faute ? En pleine crise mondiale du transport aérien, au lendemain du Grenelle de l'Environnement, pourquoi tout miser sur l'aérien ? Le taux de croissance du trafic aéroportuaire nantais s'est quand même cassé la figure de moitié, chutant de 12 % à moins de 6 %. Non pas que je m'en réjouisse, mais c'est comme cela. Pire : votre projet ne tient même pas compte des 2 000 km prévus de Lignes à Grande Vitesse ! Ni de la volonté des compagnies aériennes d'acheminer en TGV leurs passagers jusqu'aux trois « hubs » européens : Francfort, Londres, Paris, pas Nantes pour des trajets de moins de 3 h ! Pourquoi faire un aéroport pour les 10 % de la population qui prennent l'avion ? Que proposez-vous pour transporter les 90 % restants ? Il faut aussi développer le ferroviaire et nous n'aurons pas les moyens de faire les deux. CONCLUSION Vous voulez combler à tout prix les lacunes du projet NDDL actuel alors que Nantes Atlantique dispose déjà de tous les atouts pour peu qu'ils soient optimisés. Vous essayez de faire passer votre projet pour écolo alors pourquoi aucun écolo ne le défend ? Aucun écolo reconnu j'entends, pas ceux qui son nés mercredi dernier avec du duvet sur la tête… Aujourd'hui le projet ne passe plus. Dos au mur, à court d'arguments, vous brandissez à la veille de ce débat 18 signatures de maires pro NDDL, tous issus de l'agglomération nantaise. Mais que faîtes vous des 460 signatures d'élus qui doutent de NDDL à la veille des Régionales ? Avant d'étaler Nantes jusqu'à Notre-Dame-Des-Landes, Il est encore temps de changer d'avis et de renoncer courageusement à ce projet. Alors SVP, mes chers collègues, étudiez les solutions alternatives qui vous sont proposées et organisez une audition de ces alternatives pour tout le conseil Municipal : non seulement elles optimisent et sécurisent Nantes Atlantique mais elles ouvrent aussi des possibilités de développement ferroviaire pour notre ville, notre département et notre région. Je vous remercie de votre attention »"
Merci à ceux qui ont permis que cette intervention soit rendue publique, merci surtout à Isabelle Loirat pour sa brillante interpellation !